Avec la diminution de l’inflation, la réduction du risque de fortes hausses des taux d’intérêt, les fluctuations des tensions géopolitiques et la reprise des cryptomonnaies, on pourrait anticiper une baisse du prix de l’or. Cependant, l’or continue de résister, mais jusqu’à quand ?
Historiquement, l’or a toujours été considéré comme un indicateur de la situation mondiale. Son prix augmente lorsque les choses se compliquent et diminue lorsque la situation s’améliore. Ces derniers mois, il y a eu de nombreuses raisons de se tourner vers l’or en tant qu’actif refuge, comme la guerre en Ukraine, les menaces pesant sur Taïwan, l’inflation, les faillites bancaires et les négociations sur la dette américaine. L’once d’or a même dépassé les 1 900 dollars et a souvent franchi la barre des 2 000 dollars à la Bourse de Londres.
Pour les investisseurs, l’or est considéré comme une « protection » contre l’inflation et la dévaluation des monnaies, car son prix réagit généralement de manière opposée aux taux d’intérêt réels, c’est-à-dire aux taux d’intérêt ajustés en fonction de l’inflation. Lorsque les taux d’intérêt augmentent, le prix de l’or a tendance à baisser car les obligations d’État deviennent plus attrayantes. En revanche, lorsque les taux baissent, l’écart entre les actifs financiers et l’or se réduit.
Paul Jackson, responsable mondial de la recherche pour l’allocation d’actifs chez Invesco, s’étonne de la résistance de l’or en début d’année 2022, alors que les rendements réels et le dollar augmentaient. Il identifie trois raisons à cette résistance. Tout d’abord, l’inflation continue d’augmenter. Ensuite, les banques centrales ont acheté des quantités records d’or en 2022 pour se protéger des risques géopolitiques.
Par exemple, la banque centrale de Singapour a annoncé l’acquisition de 7 tonnes supplémentaires en février, après avoir déjà acheté près de 45 tonnes en janvier. La Chine continue également ses achats, portant ses réserves à 2068 tonnes avec 18 tonnes supplémentaires en mars. Sur une période de 12 mois, la Chine est devenue le plus gros acheteur institutionnel d’or, avec près de 120 tonnes ajoutées à ses stocks, soit près de 7,5 milliards de dollars. Enfin, la République tchèque a acquis 2 tonnes en mars.
Cette tendance devrait se poursuivre. Selon UBS, au rythme actuel des achats des banques centrales, les réserves d’or pourraient dépasser les 750 tonnes en 2023, ce qui serait la deuxième année record après 2022. Une étude réalisée par HSBC auprès de 83 banques centrales, représentant plus de 7000 milliards de dollars d’actifs, indique que plus des deux tiers d’entre elles prévoient d’augmenter leurs réserves d’or. Parmi leurs principales préoccupations, 40% citent le risque géopolitique et l’inflation.
De plus, Invesco souligne que l’effondrement des cryptomonnaies a peut-être temporairement éliminé un concurrent en tant que réserve de valeur. Il est également important de noter que l’instabilité actuelle des marchés financiers a créé une forte demande pour l’or, notamment de la part de l’industrie de la joaillerie et des produits de luxe, qui représentent plus de la moitié de la demande mondiale d’or en Chine, en Inde et aux États-Unis. De plus, les applications industrielles ont un fort besoin d’or, représentant 12% de la demande mondiale.
Néanmoins, cette demande soutenue n’est pas compensée par l’augmentation de la production d’or en Russie (+9% au 1er trimestre 2023) et en Chine (+7%), qui a du mal à retrouver ses niveaux d’avant la pandémie de COVID-19.
Cependant, de nombreux analystes estiment que l’inflation diminue, les tensions géopolitiques fluctuent et les cryptomonnaies rebondissent. De plus, l’or est considéré comme cher par rapport aux normes depuis 1870, ce qui rend difficile d’imaginer qu’il puisse continuer à augmenter à long terme, selon Paul Jackson d’Invesco. Il ne voit qu’un seul facteur qui pourrait faire augmenter le prix de l’or : la possibilité d’un retour à une forme d’étalon-or. Selon ses calculs, si les réserves d’or américaines devaient garantir les liquidités en circulation aux États-Unis, l’or devrait être évalué à plus de 8 800 dollars l’once.